MIROIRS DE LA FRANCE : MAURICE RAVEL

À propos de l'auteur : Ester de Stefano

Ester de Stefano est une pianiste italo-allemande, professeure de piano à l’Institut de Musique de Paris. Elle étudie actuellement la philologie tout en en se perfectionnant auprès du professeur Henri Barda à l’Ecole normale de musique de Paris.

Maurice Ravel est considéré comme l’un des plus grands compositeurs français de son temps. Né en 1875 d’un père suisse et d’une mère d’origine basque, il vivra presque toute sa vie à Paris avant de se retirer à Montfort-l’Amaury. Sa figure incarne très bien toutes les contradictions de la fin du XIX siècle et du début du XX. Effectivement, sa musique sera jugée comme trop moderne par ses contemporains – prenons par exemple ses nombreux échecs au Prix de Rome entre 1900 et 1905, qui dénotent sa difficulté à s’aligner au système (il refuse, en 1920, la Légion d’Honneur) – mais, en même temps, il ne renonce pas complètement au système formel et harmonique, ce qui le rend différent de Claude Debussy.

ravel portrait

Il commence à étudier le piano à 7 ans, il entre au Conservatoire de Paris en 1889 dans la classe de d’Anthôme et en 1891 dans celle de Charles de Bériot. A partir de 1897, il sera l’élève de Gabriel Fauré. Sa vie fut très tranquille, en dehors du scandale qu’il provoquera en 1905 lorsque la Commission du Prix de Rome refuse sa candidature en arguant cette célèbre citation: « Monsieur Ravel peut bien nous considérer comme des pompiers, il ne nous prendra pas impunément pour des imbéciles ». Debussy très sévère avec tous ses collègues, dira à son propos : « un fakir charmeur qui fait pousser des fleurs autour d’une chaise ». Ravel participa à la Première Guerre mondiale – mais seulement en tant que conducteur de camion, étant donnée la fragilité de sa santé – jusqu’en 1917, année de la mort de sa mère. L’expérience de la guerre lui servira d’inspiration pour Le Tombeau de Couperin (1914-1917), qui est composé de morceaux dont chacun est dédié à l’un de ses compagnons qui y perdirent la vie.

Ravel aura un rôle marquant aux Etats-Unis, lorsque pendant sa tournée de1928 – 4 mois de concerts, entretiens, voyages – il rencontre George Gershwin et l’encourage à développer sa propre vision musicale. Un échange entre les deux compositeurs est devenu célèbre, alors que Ravel lui disait :« Vous perdriez la grande spontanéité de votre mélodie pour écrire du mauvais Ravel…Pourquoi seriez-vous un Ravel de seconde classe, alors que vous pouvez devenir un Gershwin de première classe ? ».

Concernant ses compositions, si nous prenons par exemple le Gaspard de la nuit (1908), on comprend pourquoi il peut encore être considéré musicien « classique », tout en utilisant un système harmonique novateur et tout autant révolutionnaire. Il s’agit d’un morceau divisé en trois parties, Ondine, Le Gibet, Scarbo qui requiert une grande virtuosité, une maîtrise du son et du rythme mais aussi une immense capacité imaginative.

Ravel s’est en effet inspiré du livre homonyme d’Aloysius Bertrand (1807-1841), riche de métaphores et d’images fantastiques. Il est intéressant, à propos des œuvres pianistiques de Ravel, de lire les témoignages écrits par le pianiste Vlado Perlemuter (1904-2002) ; ce pianiste avait rencontré Ravel après avoir travaillé l’ensemble de son répertoire pianistique et en donné l’intégrale en 1929. D’après les écrits de Ravel, la virtuosité était essentielle mais il fallait seulement la considérer comme un moyen de restituer le morceau ; selon les mots de Perlemuter, pour Ravel le Scarbo devait représenter une caricature du romantisme et de ses excès, alors qu’il reste une pièce parfaite dans la composition formelle. Perlemuter fait souvent référence au fait que Ravel, en composant ses œuvres pianistiques, imaginait toujours le son orchestral et l’ampleur d’une grande salle. Ce lien avec l’orchestre se révèle aussi du fait que Ravel réalise beaucoup de transcriptions de ses œuvres pour l’orchestre. Il ne faut pas aussi oublier que Ravel a réalisé une très belle transcription des Tableaux d’une exposition de Modeste Moussorgski qui est exécutée encore aujourd’hui.

La dernière période de composition de Ravel est marquée par un type de forme plus composé, simple et sec, d’ailleurs coïncidant avec la progression de sa maladie. Nous pouvons certainement considérer le Concerto en sol majeur (1929-1931) comme l’accomplissement de toute sa pensée poétique et musicale. Il peut paraître surprenant que Ravel, distillateur magique de couleurs instrumentales sollicitant souvent au maximum les compétences de l’interprète, n’ait été tenté par la forme du concert solo simplement les dernières années de son activité. Dans un entretien, Ravel a présenté le Concerto en sol en disant : « Je pense en fait que la musique d’un Concerto peut être gaie et brillante et qu’elle n’a pas besoin d’aspirer à la profondeur ou de viser des effets dramatiques », et a ajouté qu’il l’avait composé dans le l’esprit de Mozart et de Saint-Saëns, deux noms révélateurs à la fois des positions anti romantiques de Ravel et de sa préférence pour un pianisme clair et brillant. C’est le mouvement central, l’Adagio, qui peut être considéré comme exemple de cette dernière période. La mélodie longue, simple, chaste, sans fioritures, est confiée au piano, sur un accompagnement dépouillé et essentiel de l’orchestre, qui réserve cependant des solutions qui n’ont pu être trouvées que par un génie comme Ravel, comme l’intervention de la flûte, délicieusement délicate et tendre, qui s’insère prodigieusement dans le chant du piano. Il n’y a pas de mots pour décrire l’atmosphère enchantée, imprégnée de tristesse sereine de ce mouvement. Cette très longue mélodie semble être écrite en un seul flux, mais Ravel prétend l’avoir composée avec beaucoup de douleur, deux mesures par deux mesures.

Ravel est l’un des plus grands musiciens français, ses mélodies et ses ambiances sont parfaitement reconnaissables car il a su se forger un style incomparable, contemporain en son temps.

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